Le grand-père du côté maternel de Rudy, Henri Sierens, a immigré au Canada en 1902. Il laissa derrière lui femme et enfant s dans la pauvre Flandre. Il travaillait dur et avec l’argent gagné, il a fit venir sa femme au Canada. Après quelques années, ils ont acheté un lopin de terre en friche. Grâce à son dur labeur, il disposa après quelques années de plusieurs hectares de terre agricole fertile. On récolta des céréales et elles servirent pour l’Europe affamée qui connaissait la Première Guerre Mondiale. Pendant la guerre, est née Marguerite Sierens (St.Alphonse 09.08.1915 – Beernem 13.08.2009) au Canada. Mathilde Fransoo, la mère de Marguerite, avait la nostalgie de sa famille en Europe. Fin 1919, l’aventure canadienne s’est achevée et ils sont retournés à Knesselare.

 








Marguerite épousa Rudolf Geldhof (Knesselare 08.07.1916 – Brugge 13.03.1989) le 24 juillet 1939. Rudolf était tanneur. Il avait repris l’affaire de son père située à la Hellestraat à Knesselare. Puis, vint la mobilisation. Au début de la guerre, Marguerite était enceinte, mais elle perdit son premier enfant, une petite fille, à sa naissance le 1er août 1941. Leur premier fils Rudy Geldhof est né à Bruges le 13 octobre 1942, au milieu de la Seconde Guerre Mondiale.

Rudy avait presque 2 ans en 1944, juste avant la retraite allemande. Fin août, ses parents ont laissé passer la nuit à un jeune résistant chez eux, qui avait tiré une balle dans la main d’un officier allemand. Au milieu de la nuit, la maison dans la Hellestraat fut encerclée et fouillée de fond en comble par les Allemands. Avec un mandat d’arrêt pour ses parents pour être directement emmenés à Aalter pour interrogatoire. Rudy dormait au premier étage dans son petit lit. Malgré le bruit et le tumulte, il continuait de dormir tranquillement. Les Allemands pensaient que le jeune résistant se trouvait dans la chambre. Avec le fusil en joue au-dessus du lit de Rudy, sa mère cria: "Nicht schiessen, das ist mein Sohn, Rudy". L’officier allemand qui commandait a été attendri car il avait aussi un fils unique du même âge à la maison qui s’appelait aussi Rudy, lui-même s’appelant Rudolph, comme le père de Rudy. Leur arrestation fut postposée. Trois semaines plus tard, le 13 septembre 1944, Knesselare fut libérée par les Canadiens.  

Peu après la guerre, Rudy a connu une période sans souci à Knesselare. Son père lui apprit très jeune à jouer au football. Son père était lui-même pour son époque un avant très talentueux du V.V. Harop Knesselare. Beaucoup d’articles de journaux sont parus sur lui. Son nom devint célèbre suite aux victoires dans des tournois de football, lors desquels il excellait. A un moment donné, des représentants du Cercle de Bruges se sont intéressés à son talent. Mais son père préféra rester tanneur. Entretemps, Rudy fréquenta l’école primaire communale. A l’école, il était le chef de la bande, comme au football. Sans difficulté ou autorité, il se faisait des amis et tout le monde le regardait avec admiration et aimait être en sa compagnie. Il écrivait déjà de belles rédactions et il pouvait captiver l’attention de ses camarades du même âge grâce à ses récits. Son sens de l’observation était très aiguisé et il pouvait raconter quelque chose dans les moindres détails. A la maison, ses parents avaient des tas de livres du Davidsfonds. Des livres qu’il dévorait littéralement. Il y avait aussi chez lui depuis la première édition la bande dessinée hebdomadaire "Spirou". À partir des bandes dessinées et de ces livres, il créait déjà à cet âge précoce, un monde plein de fantaisie et on l’aimait partout. Même par ses trois petits frères: Rony (Bruges 24.05.1945 – Bruges 25.07.2000), Regy (Bruges 19.05.1948 – Beernem 28.01.2016) et Randy (Bruges 4.01.1952 –). Déjà à l’école primaire, il savait qu’il deviendrait écrivain. Il tenait de son père son amour pour la réalité, son imagination sans fin. De sa mère, il tenait l’art de captiver les autres par son talent de narrateur, qu’il maîtrisait très bien. Ainé des quatre enfants, il était admiré par ses petits frères.

Les 10 années qui suivirent la fin de la guerre furent favorables à la petite entreprise familiale. La tannerie de la Hellestraat fut démolie pierre par pierre et rebâtie à la Koningin Astridlaan à Assebroek. La famille Geldhof-Sierens déménagea le 5 mai 1955 dans la nouvelle villa. Rudy quitta l’école primaire et alla faire ses Humanités. C’est alors que son père le laissa s’affilier au R.C.S.B. Cercle de Bruges. En un an, le talent footballistique de Rudy fut récompensé par la coupe du meilleur cadet. Après une année préparatoire au Collège St Louis de Bruges, il devint élève du Collège Notre Dame à Assebroek, qui faisait partie du Collège St Louis. La nouvelle école était encore en cours de construction, et on improvisait beaucoup au cours des premières années: cours dans des baraquements, dans d’autres petites écoles, à l’extérieur. Les premières années de Latin-Grec des anciennes Humanités se passèrent très bien. C’était d’ailleurs la seule option que l’on pouvait suivre dans cette école et les élèves de sa classe avaient l’impression d’être de vrais pionniers. Ils étaient toujours les plus âgés de la classe. Cela donna une impression spéciale à Rudy, qui n’eut jamais l’occasion de savoir ainsi ce qu’était une école secondaire.   

Il fut une source d’inspiration pour ses frères lors de ces 6 années des Humanités. A l’époque, il n’y avait pas encore de télévision à la maison et ses parents allaient régulièrement au cinéma. Après le souper, tout le monde allait s’asseoir sur le grand lit des parents. Rudy se mettait alors à raconter des histoires passionnantes, sur des cowboys et des indiens, des chevaliers, des gangsters, des soldats…
Quand il entendant que ses parents rentraient du cinéma, ses frères devaient aller vite au lit. Pendant ses récits, ses plus jeunes frères s’endormaient parfois parce qu’il était déjà tard. Mais cela ne posait pas de problème, Rudy savait reprendre l’histoire le lendemain où ils s’étaient endormis et terminer son histoire captivante. Il dessinait aussi des jeux de l’oie sur un morceau de carton qu’il complétait de cases suivant les événements et expériences des semaines précédentes. Avec leurs propres règlements… Quelque chose qu’il avait aussi conçu lui-même: jouer au petit soldat. Avec des blocs de construction, ses frères construisaient un fort et avec des billes, on pouvait, chacun son tour, viser l’adversaire. S’il tombait, on pouvait tendre le bras et repousser la distance par rapport  à l’ennemi sur la grande table. Le dernier petit soldat qui restait debout avait gagné… jouer au 21 aux cartes pour de l’argent, à la Mort subite pour de l’argent, jouer au Monopoly, jouer aux mots avec un jeu de cartes de lettres… pour de l’argent… Il nous a ainsi tenus en haleine pendant des années et les frères ont connu une jeunesse libre et irréfléchie.  

Le père Geldhof en avait marre de la tannerie. Cela demandait beaucoup de travail physique et cela sentait partout les peaux de bêtes tannées. Il se mit en quête d’un travail d’indépendant plus fin. C’est ainsi qu’il acheta une petite usine de gants à un indépendant qui partait à la retraite. Ce changement fut rapidement couronné de succès: les gants en cuir fabriqués étaient de très bonne qualité. Comme les affaires marchaient bien, Rudy reçut de son père une petite carabine à plombs pour ses 16 ans. Déguisé en véritable chasseur, avec un manteau vert, un bonnet de chasse et muni de jumelles, il faisait le tour du grand jardin. Mais il n’y avait pas beaucoup d’animaux sauvages chez Rudy, alors, il alla quelque fois dans le grand jardin bien arboré des voisins quand ceux-ci  étaient en voyage, bien entendu, espérant trouver plus de trophées. Une fois, il tua un moineau qui ne voulut pas mourir, il appela alors son plus jeune frère à l’aide. Son frère de dix ans son cadet donna alors un coup de pied qui tua net le moineau. Rudy remercia son petit frère et comme récompense, il lui acheta un album de Bob et Bobette. Les choses se passèrent plus mal un jour qu’il pénétra dans la salle à manger avec sa carabine chargée, le canon dirigé vers le sol. Pour une raison inconnue, la carabine se déclencha et un des plombs vint se loger sous la peau de la cheville de son père. A partir de ce moment, il put oublier sa carrière de chasseur: la carabine disparut pour toujours au grenier derrière une serrure et un verrou!

Son amour de la poésie et de la littérature était de plus en plus grand. En 1959-1960, il suivit la Poesis au Collège Notre Dame. Il fut remarqué par son professeur de néerlandais, qui comparait ses rédactions avec celles des autres étudiants. Rudy écrivait déjà alors dans des styles différents, ce qui était exceptionnel en cette période. Ses condisciples l’admiraient. Il parcourait même les bibliothèques et les librairies pour découvrir de nouveaux horizons en littérature. Son auteur favori était Franz Kafka, bien qu’il ne comprenne pas grand-chose de ses écrits. Mais c’était "in". Surtout la lecture des livres qui se trouvaient sur la liste de la littérature interdite. Une liste qu’ils avaient reçue du collège Notre Dame lui-même! Vite lire des livres de Jean-Paul Sartre et d’autres écrivains athées. La plupart du temps sans bien comprendre ce qu’ils contenaient. Il écrivait alors des pages entières de poèmes, mais il était trop timide pour les montrer à ses professeurs. Toutefois, il avait assez de culot pour envoyer quelques poèmes au "Poëtisch Bericht van West-Vlaanderen". A sa grande surprise et à sa grande satisfaction, deux d’entre eux furent publiés en 1960. Ils furent intitulés "terras" et "impressie 's avonds". 

terras

een koud biertje kelner
kom
hier zo kalm
in knusse stoel
op terras zo koel
een sigaret aan 't bijten
klinkende cognac
klakkende lippen
nippende tongen
tikkende hakken van serveuse
tik klink cognac
meisjes trippelen voorbij
gekeurd wordt elk
de mooiste kruipt in mijn glas
ik kijk een kwartier lang
- in mijn glas -
rieten stoelen op een rij
slapende muziek
film van vrouwen
trekt voorbij
de waardin
"nog iets m'neer?"

impressie 's avonds

op het zinken dak
zijn waterplassen
zwaar
een grauwe kleine vogel
verloren
schoorstenen
machtig en dwaas
zinloze duisternis
warmte
regen

Il reçut 300 f de la rédaction, son premier argent gagné grâce à ses écrits. A 18 ans! Il montra à ses condisciples que ses poèmes étaient publiés dans le magazine. Ceux-ci s’encoururent plein d’enthousiasme auprès de leurs professeurs: “Incroyable, il faut que vous le sachiez: Rudy, ses poèmes ont été publiés et se trouvent à côté de poèmes de Speliers, Christine D'Haen et Spillebeen!” Mais les professeurs n’étaient pas impressionnés. Rudy voulait être écrivain. Il fit quelques tentatives dans ce sens, mais il se rendit compte très vite qu’écrire des romans était fort inefficace. Lui-même était très jeune et n’avait aucune expérience de la vie. Mais l’avenir lui tendait les bras. Entretemps, il continuait à écrire des poèmes, encore des poèmes et toujours des poèmes. 

A cette période, une pauvre fille séjournait pendant un mois chez des voisins. Elle venait des "Bidonvilles" aux alentours de Paris. Via une institution caritative, on plaçait les filles et les garçons miséreux dans des familles plus aisées en Belgique. Rudy était si fâché à cette idée qu’il demanda à ses parents s’ils seraient aussi d’accord d’accueillir une fille comme cela pendant un mois à la maison. Ils acceptèrent. Ce ne fut pas suffisant pour Rudy. Il continua à insister auprès de ses parents. Pourquoi pour un mois, Pourquoi pas pour toujours? Et à nouveau ses parents furent d’accord. Lui-même n’avait jamais connu sa sœur ainée et après un petit frère, il y en eut un autre et encore un autre. Ses parents avaient pourtant perdu leur première petite fille! Le Congo belge venait de gagner son indépendance. De nombreux enfants issus d’un mariage entre un père blanc et une mère noire étaient abandonnés. Les parents de Rudy contactèrent le fonds Rwanda. Ce fonds veillait à ce que ces enfants aient un foyer sur en Belgique. Il fallut attendre longtemps une fois la demande effectuée. Rudy suivait déjà sa Rhétorique au Collège Notre Dame, sa dernière année des anciennes Humanités. Un beau jour, le téléphone sonna. Rudy se trouvait là lorsqu’on posa la question à son père de savoir s’il voulait une petite fille. Sa réponse fut naturellement: oui! On dit encore à son père que la petite fille se trouvait déjà dans l’avion pour la Belgique. Toute la famille est venue chercher la petite fille de presque 3 ans à Zaventem le 13 septembre 1960. Bernadette (Bujumbura 10.11.1957 – Bruges 25.08.1995) fut le prénom choisi pour elle. Elle fut un réconfort dans la vie de Rudy, de ses parents et de ses frères. Elle eut un tel impact sur tout le monde! Enfin une petite sœur!

A partir de septembre 1961, Rudy suivit la 1ère candidature en Philologie classique à l’Université de Leuven. Surtout par intérêt pour la philosophie, et pas tant pour le latin ou le grec. Il laissa tomber les langues anciennes et les remplaça par les langues germaniques. Rudy dut abandonner. Il devait faire son service militaire et en attendant, il aidait dans l’usine de gants. Il refusait comme tout le monde de rester assis derrière un bureau et de penser à l’augmentation de son patron, à faire carrière, à fonder un foyer, à se marier et à avoir des enfants. A partir du 27 mars 1964, il fait son service militaire. Et ce pour 12 mois à St Trond. Ensuite, il continue à aider dans l’entreprise familiale.

Vers mai 1968, il remarque une annonce dans un journal dans laquelle on demande un interprète dans un magasin de souvenirs à Lourdes. Un job bien payé, avec toutes les facilités pour l’époque. Il mord à l’hameçon, car il veut élargir son horizon. A "La Croix Blue" à Lourdes, il devient interprète dans un grand magasin où l’on vend des images de Marie et de l’eau bénite. Les Flamands y reçoivent 10% de réduction. Rudy considère ses patrons comme cyniques et athées, leur personnel étant pieux et naïf qui voulaient faire le bien. Cette situation absurde renforce son envie de créer quelque chose là-dessus. Début septembre de la même année, il commence la saison de football au V.V. Harop Knesselare. Le président de ce club était le patron d’une société de transport par bus. De temps en temps, ils allaient aussi à Lourdes et il avait déjà ramené lui-même Rudy dans un de ses bus en Belgique. Ils avaient ainsi leur avant-centre!

Football! A la maison il jouait avec son plus jeune frère Rony une sorte de tennis ou de volley-football qu’il avait inventé lui-même. Chacun sur une partie de ce qui ressemblait à un court de tennis, un filet au milieu et la balle pouvait seulement toucher le sol une seule fois dans son camp. Ils y avaient joué pendant des heures. Rudy et son frère Rony étaient aussi très bien entrainés physiquement et techniquement. Rudy jouait de mieux en mieux au football. Mais come son père, il opta pourtant pour le V.V.Harop Knesselare, en troisième provinciale de Flandre Orientale. Sa technique de jeu comme avant était unique, il marqua des tas de buts et était alors craint de tous les défenseurs. Un journal écrivit en 1969 : "un des attaquants les plus dangereux de troisième provinciale de Flandre Orientale". Dans l’article on mettait surtout l’accent sur "sa technique, sa vitesse, sa finition, son shoot dangereux et juste et un jeu de tête plus qu’appréciable".  

Rudy se rend compte de plus en plus qu’il deviendra écrivain. Il recherche une solution pour travailler toute une saison, ce qui lui rapporterait assez d’argent pour pouvoir écrire en hiver. Il trouve cette formule sur les paquebots Ostende – Douvres. Comme assistant au commissaire de bord ou collecteur de tickets pour la Régie de Transport Maritime à Ostende, il travaille durant 4 saisons. Des départs irréguliers et des primes de weekend lui assurent assez de rentrées financières pour réaliser son rêve en hiver. Il expérimente en prose et en poésie, mais cela ne lui va plait pas trop. A Londres, il achète des tas de livres de poche sur le théâtre et les  "angry young men". Dans de vieux journaux utilisés dans l’atelier de son père, il découpait des comptes-rendus sur le théâtre et assemble toute une collection. Avec de nombreux amis et un peintre, il reçoit l’autorisation de ses parents pour transformer en atelier d’art un vieux bâtiment de l’usine, dans lequel on parle de renouveau dans la littérature, dans la peinture, dans la politique, etc. des essais pour écrire des petites pièces s’avèrent infructueux. Il persévère : il décide d’écrire une pièce nouvelle.

"Vriend" est une pièce de théâtre complète qui dure toute la soirée qui est totalement neuve pour le public actuel du théâtre. Rudy avait travaillé dessus pendant deux ans. Il a eu fini en 1970 à l’âge de 28 ans. Il envoya son manuscrit à toutes les troupes de théâtre connues. La plupart d’entre elles ne réagirent même pas. Il reçu une réponse polie de quelques unes d’entre elles contenant des mots de élogieux sur sa pièce. Mais vu la problématique de la pièce et le sujet d’avant-garde qu’elle traitait, elle ne fut à cette époque jamais jouée. "Vriend" fut presque jouée par la “Werkgemeenschap” du Théâtre de la Bourse de Bruxelles. Le metteur en scène aurait été Dries Wieme et il y aurait eu un certain intérêt pour la pièce de la part de KNS-Antwerpen, à condition de la réviser. Mais en ce temps-là, les troupes avaient encore peur de perdre les subsides qu’elles recevaient des pouvoirs publics. Dès lors, Rudy mit cette pièce de côté en attendant des temps meilleurs. Il n’a jamais pu le faire par d’autres activités. Cette pièce pourrait certainement être appréciée du public allant au théâtre car tous les tabous sont heureusement brisés par rapport à il y a 38 ans. Comme pièce de théâtre, "Vriend" possède déjà tous les ingrédients de Rudy comme auteur qu’il fera apparaitre clairement des années plus tard: de beaux dialogues réalistes, des personnages énergiques et un sens du drame et de la tension à la fin. Mais il était écrit que cela ne pouvait pas se faire, "Vriend" n’a jamais été joué. 

Ne pas plier, ne pas abandonner, pensait Rudy. Il écrivit "Mijn Vakantie met Blomme" en 1971, peu après la déception qu’il connut avec la pièce "Vriend". Rudy, mordu par le virus du théâtre, changea de cap: si cela ne marche pas au théâtre, cela marchera en rue si besoin est. La pièce "Mijn Vakantie met Blomme" n’a toutefois jamais été jouée jusqu’à présent, ni au théâtre, ni en plein air.  

Mais Rudy n’abandonna pas: le 1er décembre 1973, il ouvrit le café-théâtre De Kelk à la Langestraat à Bruges, un immeuble qui était resté vide pendant 10 ans. Avec l’aide de ses amis et parfois avec des partenaires de son équipe de football de Knesselare, il faisait des miracles. Un grand café splendide avec un intérieur Jugendstil et une grande salle à l’étage furent arrangés avec goût. Les tables du café étaient son idée: une combinaison d’un cadre d’une vieille machine à coudre avec une nouvelle feuille de marbre. La même année, il écrivit sa pièce en un acte "De Geit". Le but était de jouer la pièce dans son café, mais ni les acteurs, ni le metteur en scène, ni les moyens financiers ne vinrent frapper à sa porte.  Mais il y avait des représentation sur invitation de troupes de théâtre dans la salle de l’étage, des représentations sans podium, ou avec un podium fait de bacs de bière vides et de panneaux, et avec peu de moyens techniques. Le collectif théâtral de Flandre Occidentale "Malpertuis" de Tielt, a joué au De Kelk "Play Strindberg" (Dürrenmatt). Rudy fit la rencontre de Jacky Tummers qui mettait cette pièce en scène. Via Tummers, Rudy fit la connaissance de Wil Beckers du "Nieuw Vlaams Toneel De Waag" d’Anvers. Le NVT De Waag fut créé pour stimuler et jouer le nouveau théâtre néerlandophone de chez nous. Monsieur Beckers était très enthousiaste en lisant "De Geit" et commanda la rédaction d’une seconde pièce en un acte à Rudy. Rudy l’intitula "Buurt". "De Geit" et "Buurt" ont connu leur avant-première le 16 janvier 1975 à Anvers. Et ces pièces en un acte furent aussi jouées dans la salle de l’étage de De Kelk. C’est à cette période que le talent de dramaturge de Rudy Geldhof se révéla. D’autres succès ne se firent pas attendre.

Il épousa Marleen Vandenabeele (Bruges 09.07.1954 – Hertsberge 04.08.2009) en 1975. En 1976, on joua "Het Souper" à Tielt. En 1977, on joua "Eénentwintigen" à Anvers. Ces deux pièces remportèrent un immense succès. En 1977, il fonda avec Jacky Tummers et un artiste plasticien le vzw Teater De Kelk. On construisit un nouvel espace agréable de 80 places consacré au théâtre derrière la salle du café. La salle de l’étage servait toujours comme salle de danse pour les jeunes, des soirées disco y étaient monnaie courante. Pour les jeunes, c’était "the place to be". Entretemps Rudy devint père. Son fils ainé Alexander Geldhof (Bruges 14.11.1977 – ). est né le 14 novembre 1977. Mais pour les amateurs de théâtre, Teater De Kelk était "the place to be". En 1978, il y eu les avant-premières de "Twee Vrouwen" au Teater de Kelk, "Mijnheer Karel" au Malpertuis à Tielt et "Katanga Diane" au Teater De Kelk. En 1979, on créa "Winnaars en Verliezers" au nouveau théâtre Ankerrui du NVT à Anvers. C’était une coproduction entre le NVT, Teater De Kelk et Teater Vertikaal (Gentbrugge).

Teater De Kelk a survécu les deux premières années sans subsides. A l’époque,  le délai habituel était de 2 ans. La première subvention arriva dès la saison 1979-1980, mais ne fut pas directement placée sur le compte bancaire. Des que la première subvention fut dessus, Rudy laissa la gestion quotidienne du Teater De Kelk à un diplômé du HRITCS de Brussel. Rudy voulait maintenant consacrer du temps pour lui et mettre de côté les soucis d’une troupe de théâtre. Rudy fut papa pour la seconde fois. Il donna à son fils le prénom de son père: Rudolf (Bruges 13.2.1981 – ). La passion de Rudy continuait d’être l’écriture de pièces. En 1980, il écrivit "De Vrije Madam". Le premier titre en fut "Noch Vis, Noch Vlees". C’était un monologue écrit pour l’actrice Yvonne Lex. Mais celle-ci se trouva trop chaste pour jouer ce monologue. Le choix se porta alors sur Ann Petersen, ce qui était un meilleur choix, mais elle ne put cependant pas se libérer. "De Vrije Madam" reçu la même année le prix Visser-Neerlandia. Plus tard, la pièce alla rentrer dans l’histoire!

L’avant-première de "Bob en Liesbeth" eut lieu en novembre 1981 au Teater De Kelk. Une pièce intimiste, un peu moins appréciée par le public de Rudy. C’est à cette période que Rudy se lia d’amitié avec Chris Lomme, qui jouait le rôle de Liesbeth. Elle était liée au KVS. Grâce à elle, Rudy reçut la commande d’une pièce complète pour le KVS. Son vieux rêve allait-il enfin se réaliser? Il connut toutefois un échec: seules 3 des 11 scènes furent réalisées par lui et le projet avorta. On diffusa pour la télévision son adaptation de "De Pornofilm" (H.Walbert) le 25 novembre 1981. Il écrivait maintenant de plus en plus pour la télévision. Le 24 octobre 1982, on diffusa son adaptation de "Cello en Contrabas" (M.Dekker) à la BRT. Et le 16 janvier 1983, son adaptation de "Lente" (C. Buysse) fut portée à l’écran et le 13 mars, son adaptation pour la télévision de sa propre pièce de théâtre "Het Souper".

L’Ensemble BENT (productions théâtrales belgo-néerlandaises), se trouvait alors au Benterij à Kasterlee et voulait reprendre à son compte une production de la pièce à succès "De Vrije Madam". Le responsable de cette compagnie, Jaak Vissenaken serait le metteur en scène, mais on ne trouva pas l’actrice adéquate. Rudy demanda alors à Jaak: pourquoi ne joues-tu pas toi-même "De Vrije Madam"? Jaak se laissa convaincre et la mise en scène fut confiée à Annelies Vaes et la pièce fut jouée des centaines de fois dans toutes la Flandre et au Pays-Bas. Une série à succès, même jusqu’aux halles des foires de Bruges. Rudy et Jaak avaient encore prévu ensemble une pièce à spectacle internationale: "De Zwarte Kant van 't Belfort". On voulait mettre en avant des faits marquants de l’histoire médiévale de la ville de manière ludique. A jouer dans les halles des foires de la ville, mais suite à des problèmes financiers de l’administration municipale, elle ne fut jamais jouée. 

Après le succès de l’adaptation au cinéma de "Lente" (C.Buysse), Rudy reçu commande de la  BRT pour adapter "Tantes" (C.Buysse) sous forme de scénario. Le téléfilm fut diffusé le 28 octobre 1984. On diffusa aussi le 4 novembre 1984 son adaptation "De Surprise" (Belcampo) dans la série "Made in Vlaanderen". L’adaptation cinématographique de "De Vrije Madam" fut diffusée le 19 octobre 1986. Mais pendant tout ce temps, il continuait d’écrire pour le théâtre. Suite à une commande de Korrekelder de Bruges, il écrivit "Huis van Vertrouwen", dont l’avant-première fut jouée le 11 février 1987.

Le succès de ses adaptations pour la télévision fut tel que la BRT lui confia une série télévisée en 7 épisodes sur les expériences des Flamands pendant la Seconde Guerre Mondiale. Rudy  reçut carte blanche de l’équipe de production, après qu’il leur eut raconté quelques anecdotes savoureuses sur la guerre qu’il tenait lui-même de ses parents. Rudy donna comme titre à série: "Klein Londen, Klein Berlijn". Une série ayant eu une audience énorme, avec un casting professionnel et une diversité de personnages principaux et second rôles formidables. Mais comme le dit Rudy plus tard dans une de ses interviews: pour les blancs, je serai trop blanc et pour les noirs trop noir! Entretemps, la série est devenue un classique, ayant même une valeur historique éducative.

Rudy ne s’arrêtait pas: le 10 février 1991, "Madame Freundlich" fut diffusé sur la BRT, écrit sur commande pour la série télévisée "Oog in oog", à laquelle participa la chaine néerlandaise  IKON. Rudy appréciait particulièrement Ann Petersen et c’est elle qui interpréta de manière très professionnelle ce monologue. Il divorça à cette époque de son épouse par consentement mutuel. Toutes les deux semaines, il s’occupait de ses deux fils Alexander en Rudolf. Il se retira dans une ferme rustique à Oedelem. Au cours des années, il reçut de nombreux prix littéraires. Plusieurs de ses pièces furent jouées en français.

La BRT était enthousiaste à son sujet. Il reçu une commande pour écrire un feuilleton télévisé en 6 épisodes sur "les Meurtres de Beernem". Cela s’intitula "De Bossen van Vlaanderen". Des centaines d’articles de journaux parurent avant que le premier épisode ne soit diffusé sur cette histoire bizarre à Beernem. Toute la Flandre fut captivée en regardant ces personnages exceptionnels, cette histoire intrigante si prenant et qui se passait si près de chez soi. Il y a encore aujourd’hui des tabous bien vivants et qui restent inexprimés dans la population actuelle de la région concernée.  .

Après l’énorme succès des feuilletons télévisés de Rudy "Klein Londen, Klein Berlijn" et "De Bossen van Vlaanderen", il proposa à la BRTN d’écrire un nouveau feuilleton télévisé, entièrement base sur des éléments principalement autobiographiques. Et ce, sur l’après-guerre: les années 50. Son cadre général qui reproduit un aperçu condensé des personnages et de l’histoire fut accueille avec enthousiasme et accepté par la BRTN.

Le 1er juillet 1990, Rudy reçu pour commande de la BRTN l’écriture d’un synopsis scénique exceptionnellement étendu sur son nouveau feuilleton télévisé en  7 épisodes  "De Jaren 50". Il manquait seulement les dialogues. Vu que le tournage de "De Jaren 50" était compromis par manque de moyens financiers à la BRTN, Rudy n’a jamais fini la version définitive de son feuilleton. Il a du se concentré sur son premier grand amour: écrire pour le théâtre. Sur commande d’Arca, il écrivit fin 1991 "Prins Karel, Graaf van Vlaanderen", une pièce osée qui était unique du genre et qui a rencontré beaucoup d’intérêt. Malheureusement,  Rudy n’a jamais vu jouer sa nouvelle création, vu qu’il est décédé quelques jours avant l’avant-première. Il avait pourtant prévu de nombreux projets: écrire une pièce sur Guido Gezelle, une autre sur la Comtesse d' Hespel, une autre encore sur Achille Van Acker...

Après sa mort, i y eut encore de l’intérêt de la part de la BRTN pour "De Jaren 50". Beaucoup de noms ont défilé ici au cours des années suivantes: Cas Goossens, Marc Lybaert, Marga Neirinck, Frans Puttemans, Piet Balfoort, Paul Koeck, Carla Puttemans, Myriam De Lille, Winnie Enghien, Hugo Meert, Jan Ceuleers, Jef Mellemans… tous des personnes qui souhaitaient que "De Jaren 50" soit diffusé à la télévision. Mais ce ne fut pas possible, le projet fut mort et enterré dans le courant de l’année 1997. Peut-être y a-t-il quelque part un auteur talentueux qui pourrait écrire les dialogues pour l’adaptation de ce synopsis scénique? Car l’histoire, l’intrigue, les personnages et les lieux sont sublimes! C’est typique au talent de Rudy.

Rudy était unique, un frère qui s’entendait bien avec ses petites frères et sa petite sœur, un père formidable pour ses fis, un dramaturge qui s’entendait bien avec ses collaborateurs. Il aurait eu 66 ans aujourd’hui. Hélas, il nous a quittés bien trop tôt. Mais il s’est cependant rendu immortel à sa manière. Ce fut pour moi une révélation de l’avoir eu comme frère. Mais Rudy vit!

Car: mon admiration sincère va à Ruth Roesbeke, qui réussit son mémoire lors de l’année académique 2007 – 2008 et obtint le diplôme de Master en Histoire, que l’on peut consulter sur le lien ci-dessous, ayant pour titre:

GESCHIEDENIS en VERBEELDING: Een bijdrage tot het onderzoek naar de visualisering van de Tweede Wereldoorlog in Vlaanderen aan de hand van de fictieserie ‘Klein Londen, Klein Berlijn’ (1988)

Mon admiration sincère va aussi à Hugo Meert, président de ‘VZW Initiatief Jeugd en Theater’ à Tienen, qui décida d’appeler l’année 2009, année Rudy Geldhof. Et ce, par ce  que cela fait 25 ans que Rudy a décidé de vivre de sa plume. On s’est adressé à de nombreuses instances et elles veulent participer à cette réhabilitation de Rudy comme auteur de théâtre et scénariste unique.  

Randy Geldhof 

Beernem, 13 octobre 2008